Rencontre avec que Jean-François
Dehecq PDG de SANOFI.
1 Pourquoi une offre hostile ?
Il est dramatique que les sociétés
pharmaceutiques européennes partent vers les États-Unis.
Dans les 15 premières sociétés
pharmaceutiques mondiales en termes de capitalisation boursière, les deux
petits derniers sont AVENTIS et SANOFI.
Il est clair que SANOFI seul ou AVENTIS seul
n'ont aucun avenir et qu'ils seront
absorbés dans les deux prochaines années.
Nous ne voulons pas subir, j'ai deux
actionnaires principaux = Total et L'Oréal, il représente 40 % de
l'actionnariat du groupe.
La fin du pacte intervenant fin 2004 et ne voulant pas continuer seul, avec leur accord, nous avons donc lancé cette offre hostile aux actionnaires d'AVENTIS.
2 Que voulons-nous faire ?
Nous voulons construire le troisième groupe pharmaceutique mondial,
fortement ancré en France et en Allemagne, où sera l'essentiel de ses effectifs
et dont le centre de décision sera l'Union Européenne. Nous continuerons à
vendre nos produits vers les Etats-Unis, tout en ayant nos usines en Europe.
C'est une erreur monumentale de focaliser sur
les États-Unis, nous voulons une recherche présente des deux côtés de
l'Atlantique, pour bénéficier d'un maximum de créativité et pour permettre une
croissance forte. Ce qui est fondamental, c'est de découvrir de belles
molécules dans plusieurs pays. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous disposons chez
SANOFI de13 centres de recherche en
Europe et 1 aux États-Unis.
Nous voulons poursuivre une croissance forte
aux États-Unis, premier marché mondial du médicament, grâce à nos produits
phares qui disposent d'un grand potentiel pour les années à venir, grâce à
l'arrivée de nouveaux produits prometteurs parmi lesquels le
"Rimonabant".
Nous voulons rendre à l'Europe sa place, dans la découverte de nouveaux médicaments nécessaires à la poursuite du progrès de la santé publique et nous serons très fiers si nous réussissons l'OPA, d'avoir un centre de recherche à Francfort.
4 Stratégie industrielle :
Il faut intégrer au maximum en
réinternalisant, c'est un moyen de contrôler toute la chaîne de ses produits et
pour les gains de productivité réalisés, il faut se les garder.
Nous sommes "volontaristes" en
matière en matière d'intégration, nous réalisons 100 % de la chimie en Europe.
Pour la Pharma, c'est 80 % de la production de boîtes en Europe.
Nous refusons la politique de démantèlement
que constituerait la cession des médicaments matures. La mettre en oeuvre
serait à coup sûr condamner l'avenir de ces médicaments indispensables et des
emplois correspondants, notamment en Europe.
Au contraire, nous investissons dans nos usines pour démarrer les génériques, car si on se donne les moyens, les génériqueurs d'aujourd'hui ne seraient pas sur le marché.
5 Stratégie commerciale :
Avec la politique de santé des différents
gouvernements qui continuent de faire pression pour la baisse des prix des
produits de santé, nous avons besoin des petits produits efficaces et pas trop
chers.
Il n'y a pas de petits pays, ni de petits
produits, il faut savoir faire son commerce avec tout le monde.
L'O.T.C. fait partie intégrante de notre
métier.
Il n'est pas question de "bazarder"
les vaccins, les vaccins j'y crois.
Pour les produits matures nous avons réalisé
une croissance de 2,5 % en 2003.
Je ne fais pas du résultat
en vendant des produits et des usines.
Nous ne pouvons continuer à ignorer les pays
du Sud, pour s'occuper de 20 % de la population mondiale. Sur le plan
géographique, la gestion se fait dans le pays, "la vérité est sur le
terrain", le marketing aux États-Unis c'est une chose, mais en Europe
c'est une autre culture.
Il n'y a pas de fatalité, les produits matures décroissent mais avec une visite médicale renforcée et bien adaptée, on peut continuer à faire de la croissance.
Il est clair qu'il y aura des problèmes de
doublons et de restructurations, mais des plans de préretraites sont prévus
dans notre stratégie.
L'allègement des effectifs se fera en
partenariat avec les organisations syndicales.
C'est le degré de confiance réciproque qui fait avancer les choses.
Conclusion :
Concernant l'OPA et la partie
"cash", cela reste raisonnable et ce n'est pas un problème. Pour
Novartis, je pense qu'à un moment ou à un autre, chacun devra se positionner
financièrement parlant, de toute façon ce sont LES ACTIONNAIRES QUI CHOISIRONT.
Les choix stratégiques de notre société SANOFI comme je vous l'ai
démontré, sont en totale opposition avec la stratégie d'AVENTIS.
Je ne fais pas cette fusion par plaisir. Je
suis convaincu que si SANOFI et AVENTIS ne fusionnent pas, nous serons
rapidement avalés par d'autres. Il n'y aura plus de grands groupes industriels
pharmaceutiques en Europe. À court terme nous sommes condamnés, nous devons
réussir pour faire un groupe où l'on se rassemble.
Il n'y a pas de fatalité à ce que la
pharmacie quitte l'Europe, c'est l'HISTOIRE, nous devons la garder.
Verto le 13 IV 2004